Le bonheur est dans le Marpiré

La glutte un endroit où l’on échange en toute convivialité

Dimanche dernier, je prenais tranquille mon petit rouge lime à la « Glutte » le bistrot de Cintré. Je finissais ma troisième grille de Rapido quand Gilbert de Talensac m’apostropha :

He dis donc toi, tu joues au VBG ?

Ben oui, pourquoi?

Je regardais le classement de Région là, ben vous vous en sortez pas mal damm ! Pourtant l’effectif n’est pas pléthorique, c’est quoi donc vot secret ?

Ha ha  tu veux connaitre le secret du VBG ?

Lui répondis-je

….. ben c est simple …. C’est l’en-trai-ne-ment… !!

Ah bon vous travaillez avec des exos particuliers?

Il commença à me harceler de question,

La liaison passeur attaquant, le contre, la défense, peut-être des exercices de relances dynamique, la base 1 la base2 ?

Mais qu’est-ce que tu me racontes comme conneries, tout ça c’est de la foutaise, on fait essentiellement du 3×3 ! Non, à l’entrainement on travaille, l’attitude, les émotions, le langage corporelles, les intonations de voie (un peu de calcul mental aussi), bref on étoffe notre palette d’acteur.

Hein, je te comprend pas là !

Mais si ! Ecoute ! Tu vois notre technique là elle n’évoluera plus, et vu ce qu’elle est, ce n’est pas avec elle seule qu’on arrivera à quelque chose. Alors il y a quelques années sous l’impulsion d’Olive on a mis en place un programme d’amélioration théâtral. Il avait fait appel à un coach du cours Florent, un proche cousin à lui : Matthieu Amalrok.

Matthieu Amalrock le coach Théâtral du VBG

Avec Mattieu on a pu étoffer notre palette théâtral, on a développé un nouveau type de volley, ce que les pros appellent le volley total ! Il s’agissait de travailler surtout les émotions comme la surprise, la colère, la joie, le dégoût face à l’injustice et surtout le stoïcisme et la mauvaise foi totale.

Gilbert était complètement abasourdi, il ne comprenait pas la finalité d’un tel plan d’action. Tout cela lui paraissait tellement abscond qu’il redemanda un petit Ricard à José le patron.

Heu explique moi là car je te suis pas du tout.

Je m’évertuais donc à lui expliquer ce programme d’entrainement révolutionnaire.

Tu vois Gilbert c’est assez simple. Dans un match la technique c’est 20% du résultat, la chance 5%, la combativité 15% et le jeu d’acteur peut aller jusqu’à 60% selon le type d’arbitre !!!! Tu vois donc à quel point c’est primordial.

Gilbert affichait une mine de plus en plus circonspecte, je lui détaillais alors plus en détail notre programme d’entrainement théâtral.

Tu vois chacun de nous s’est trouvé une sorte de spécialité avec un mentor :

Par exemple Fiston, lui, il joue tout comme Jean Pierre Bacri. Il râle tout le temps, joue les salauds fragile, il ne cesse de répéter que tout l’énerve etc… etc…. il est bluffant, tu le mets dans le goût des autres il fait un malheur.

Gwendal il joue les gros bras à l’humour pince sans rire un peu à la Bruce Willis… en plus niveau coiffure ça le fait pas mal… et niveau scénario c’est un peu lui qui sauve le film assez souvent.

Le baron c’est plus dans le Michel Blanc, il passe son temps à se lamenter sur son sort comme quoi personne ne l’aime que tout le monde il fait rien qu’a lui servir dessus et que même quand il marque un point c’est sur un malentendu…. Bref tu vois le style quoi.

Olive il joue comme Luchinni, c’est toujours des grandes tirades, il sur-joue à fond et ça en deviens vite lourd mais il a un tel jeu d’acteur et un tel phrasé qu’on apprécie la performance.

Jeannot lui c’est un vrai dingue, il s’est complètement assimilé à Patrick Dewaere, il en a même repris la coiffure et la moustache seventies. Depuis qu’il a vu « Coup de tête », il distribue les bougies, autant aux adversaires qu’a ses camarade d’ailleurs.

Kévin lui aime bien jouer les benêts maladroits, il a vu tous les films de Pierre Richard et ça se ressent beaucoup dans sa façon d’interpréter les rôles.

Mitch a une préférence pour les rôles de sanguin, c’est pour ça que son jeu s’apparente beaucoup à celui de Joe Pesci, il aime bien incarner des mafieux à la santé mentale relative.

Greg lui s’était d’abords penché sur le jeu de Ryan Gosling mais comme il n’a jamais réussi à développer son côté ténébreux il est resté sur un style plus franchouillard à la Christian Clavier.

Enfin notre maître a tous il faut l’avouer c’est Al Patcrakou alias Richard. Il a depuis toujours été inspiré par deux monuments de la culture, à savoir le film « Serpico » de Sydney Lumet et globalement toute l’œuvre de Peyo avec une préférence marquée pour l’album « Les schtroumpfs et le crakoukass ».  Ainsi nourris par tant de profondeur littéraire, Richard développa une palette artistique lui permettant d’assumer presque tous les registres de la comédie à la tragédie.

Al Patcrakou inoubliable dans Serpico

Gilbert resta silencieux un moment puis il résuma :

Donc si je comprends bien vous avez pris des cours d’art dramatique pour pouvoir tricher plus facilement.

Alors là tu n’y es pas du tout….t’as vraiment rien compris !!!! Ça n’est pas de la tricherie puisque c’est justement l’esprit du jeu, on pratique le « Volley ballia del arte », c’est juste ça, c’est notre art.

Mais honnêtement vous réussissez vraiment à obtenir des résultats avec cette méthode ?

Mais Gilbert, évidemment putain ! Regarde, pas plus tard qu’il y a deux semaines, on était en déplacement à Marpiré, charmante bourgade du fin fond du département. On arrive dans la salle et on remarque un magnifique marquage de ligne bleu sur fond bleu (on appelle ça le marquage Kasemir Malevitch) associé à une arbitre myope, fébrile de surcroit et un peu fatigué du fait de l’heure tardive. Tous les éléments étaient donc réunis pour mettre en valeur nos talents d’arts dramatiques.

Et de fait dès le deuxième point nos charmants hôtes ont commencé à développer leur jeu. Il faut reconnaitre qu’ils maitrisaient parfaitement leurs interprétations sachant jouer à la perfection le volleyeur trahi par une décision erronée. L’arbitre fut si souvent sensible à leur discours qu’au premier temps mort technique elle était déjà revenue sur 3 de ses décisions (évidemment pas en notre faveur). Je t’explique pas comment Al Patcrakou prenait la situation mais tu imagines bien que ça lui faisait bien monter l’intensité dramatique.

On prit alors sur nous de mettre en application ce que Matthieu Amalrock nous avait enseigné. En premier lieu : à chaque point sur-jouer la joie et étouffer l’auditoire de nos démonstrations de bonheur, peu importe la distance du ballon au terrain….. On prit même la décision de célébrer chaque point comme s’il s’agissait de la barmitsva de Woody Allen. Les consignes étaient clair tout le monde devait célébrer tout et n’importe quoi. Même le contreur qui dos au terrain fermait les yeux durant son acte devait une fois revenu au sol se congratuler et lever les bras aux cieux pour remercier les dieux du volley de nous avoir bien sûr accordé le point.

Là où la rencontre avait commencé sur un registre plutôt de polar psychologique, on bascula vite dans le comique de boulevard, si ce n’est même du burlesque. Gwendal, lui, faisait dans le comique de répétition  en enchainant les petites diagonales, tandis que Jean adepte de l’humour lourd envoyait des cratères au centre.

Puis petit à petit le spectacle rentra dans une certaine routine, virant au combat de chauves, ils servaient sur Michel Blanc et en face on envoyait Jason Statham finir les points sur la ligne, niveau originalité ça faisait un peu scénario du transporteur 8. Ça en devenait vraiment fade et répétitif et le public le ressentait pesamment. C’est alors que sur une belle attaque du pointue adverse, la balle effleura timidement l’épaule de Crakou, (trois fois rien), avant de finir deux mètres dehors. Comme à l’accoutumé on avait déjà tous les bras en l’air pour fêter ce nouveau point que l’arbitre un peu fatigué nous donna sans se poser de question. Et là tu vois Gilbert, on assista à un grand moment dramatique, c’était poignant comme une télénovellas brésilienne. On eut droit à l’explication entre Ricardo et Roberto :

Ma, ma …. Ricardo tou né pé pas faire ça …. Tou as touché la balle.

Yé né vois pas de quoi tou parle Roberto…. L’arbitre a jugé sa décision est prise.

Mais Ricardo cé trop injuste pense au poublic qui nous acclame quel exemple va-t-on leur donné.

Ké, Roberto yé donne l’exemple froid de la victoire….

Je te le dis Gilbert moi quand j’ai assisté à ça j’avais des frissons dans le dos, ce choc de deux géants du cinéma jouant un drame sud-américain, c’était superbe. Le public d’ailleurs ne s’y trompait pas puisque devant une telle prestation les applaudissements et jets de fleurs sur le terrain pleuvaient.

La rencontre repris et peu après, suite encore à une belle attaque sur la ligne du pointu de Marpiré, on put cette fois apprécier les talents du jeune Kevin. Devant les protestations d’un membre du public réclamant la balle bonne, Kevin Bénamou se mis à genou les bras au ciel façon José Garcia :

La vérité msieurs je suis juste devant, elle est dehors d’un million de kilomètre, yallah !!!  La vérité si je mens!

Yallah la vérité elle est dehors je vous jure !!!! Kévin inoubliable dans sa prestation du juge de banc.

Là encore je te dis je suis resté bluffer par la prestation du pti, c’était beau à chialer. Au final la rencontre s’est poursuivie un peu tendue. Michel jouait les chauffeurs de salle en reprenant des morceaux de dialogues de « Scarface », la table eu quelques ratés dans le comptage de nos points (ça aussi on le travail à l’entrainement) mais sinon rien de bien méchant. On eu la chance de finir le match sur un beau block out sous les yeux de l’arbitre, on leva une dernière fois les bras en l’air mécaniquement pour bien fêter ce dénouement heureux. Mais comme on avait passé les deux dernières heures à se réjouir de tout et de rien notre célébration de la victoire apparue un brin fade… Qu’importe notre investissement dans l’actor studio avait porté ses fruits.

Gilbert me regarda un peu abasourdi, il ne voyait pas du tout le monde de la R2 sous cet aspect, il apprécierait dorénavant les matchs avec une grille de lecture nouvelle, il était maintenant initié, c’était un peu comme s’il avait compris 2001 Odyssée de l’espaces. Il se reposa sur son siège en soupirant

Ha la vache tu m’as scié… je vais prendre un dernier Kir pour me remettre.

Nous nous remîmes donc à lever les bras en l’air mais plus dans le même but.

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